La paroisse Saint Pierre de Saint Junien et l'histoire ...
Extrait de l' « Histoire de Saint-Junien » déposée aux Archives Municipales de la ville.
"Incidents provoqués par les habitants de la paroisse Saint Pierre pour la réouverture de cette église Le 11 Messidor an III (29 juin 1795), vers huit heures du matin, un Membre du Conseil Général venait prévenir le Maire qu'un attroupement important se formait près de la demeure du citoyen Teillet.
Au moment où le Maire se revêt de son écharpe pour aller rétablir l'ordre, arrive une foule de
citoyens de la campagne qui réclament à cris redoublés leur église, qu'on leur refuse, disent-ils. Le Maire, croyant qu'il s'agit de la grande église, leur fait observer qu'on ne la refuse pas puisqu'on l'a ouverte plusieurs fois déjà à ceux qui se présentaient.
Ils se plaignent avec emportement qu'on leur a refusé les clefs.
- Qui donc ? dit le Maire.
- Teillet ! disent-ils.
Le maire répond :
- Il ne les avait pas, elles sont là ; je vous ferai ouvrir, mais soyez tranquilles.
- Nous le serons, répondent-ils, mais nous voulons qu'on rétablisse les objets enlevés et qu'on répare les dégradations.
Le Maire les instruit de la loi qui accorde les églises non vendues en l'état où elles sont, sauf aux citoyens à faire les réparations et décorations. Il les invite ensuite à se retirer tranquillement et à choisir parmi eux des députés pour présenter, s'il y a lieu, leurs pétitions.
Les esprits s'échauffent de plus en plus ; plusieurs voix de femmes se font entendre. Le Maire passe dans la galerie pour faire convoquer l'assemblée du Conseil Général. À peine est-il rentré dans la salle que l'on vient dénoncer que l'attroupement se forme près l'église Saint Pierre. La citoyenne Périgord annonce que déjà, après avoir forcé la porte, ils sont dans l'église et cherchent à pénétrer dans la sacristie qui communique avec sa maison.
Il est arrêté que deux membres se porteront à l'instant sur les lieux ; la gendarmerie est
invitée à se rendre à la Maison Commune. Le Maire et le citoyen Chaumont partent avec un gendarme. Entrés chez le citoyen Périgord, ils ne trouvent aucune entreprise sur sa propriété. De là, passant vers la porte de l'église Saint Pierre, acquise de la Nation par le citoyen Teillet, une multitude de gens, hommes, femmes et enfants, encombrent l'entrée avec un tas de bois qui s'accroît encore par les matériaux que d'autres gens prennent dans l'église et jettent dehors.
Ces gens, que l'on cherche à connaître, mais en vain, paraissent être de la campagne ; ceux
de la ville n'ont l'air d'être là qu'en spectateurs. Les officiers municipaux demandent :
- Que faites-vous, citoyens ? Qu'entendez-vous faire ?
On répond :
- Nous voulons notre église.
Les officiers municipaux font observer qu'elle n'est pas disponible, qu'elle est la propriété
du citoyen Teillet ainsi que les bois qu'on enlève.
- Nous ne prétendons rien à son bois, mais l'église est à nous. Pourquoi nous a-t-on refusé la clef ? On n'avait que faire de la lui vendre ! leur est-il répondu.
Les Municipaux :
- Citoyens, vous êtes dans l'erreur ; vous devez savoir que la vente était ordonnée par la loi, que tout le monde doit s'y soumettre, qu'elle défend d'attaquer les propriétés, qu'il y a des peines fortes contre les contrevenants.
Les séditieux sont invités à se retirer ; on leur dit que s'ils ont des droits à faire valoir, de députer quelques-uns d'entre eux auprès des autorités constituées. Seuls, quelques femmes et enfants de la ville se retirent, bientôt ramenés par la curiosité. Les commissaires rentrent à la salle. On écrit une lettre à l'Administration pour la prévenir de ce qui se passe ; déjà, il est arrêté de convoquer la Garde Nationale pour dissiper l'attroupement, pendant que bat la Générale.
De nouveaux commissaires, les citoyens Chabodie, Vigier, Montjon et Limousin sont députés
successivement. Même résultat négatif. On annonce que la Garde nationale va être sur pied près de la salle. On rend de nouveau compte au District de ce qui se passe. Le procureur-syndic et deux administrateurs descendent dans la salle, décorés de leurs insignes. Ill est arrêté que les Corps Constitués réunis se porteront sur les lieux ainsi que la Garde Nationale qui va arriver.
Rendu sur les lieux, le Procureur-syndic du District parle au peuple ; Il rappelle l'heureuse paix dont avait joui jusqu'alors cette commune, sa soumission aux lois qui en était la source, combien il serait malheureux et déshonorant pour les citoyens de dévier de leurs principes et de leur conduite, les dangers de suivre les insinuations perfides des malveillants ou l'aveuglement des hommes égarés, les avantages de l'observation de la Loi, les peines quelle prononce contre les infractaires et contre la violation des propriétés.
Les attroupés sont sommés à nouveau de se dissoudre et de se retirer. Mais déjà il n'en paraît
presqu'aucun de la campagne, le travail du démeublement ayant cessé, et la plupart s'étant enfuis dès l'apparition des magistrats ; il ne se trouve plus personne dans l'église.
La garde Nationale arrive ; les spectateurs de la ville s'éloignent. La place est investie et deux hommes et une femme sont saisis et conduits en détention. L'attroupement se trouve entièrement dissipé ; un détachement est commandé pour parcourir les faubourgs et les issues de Saler afin d'empêcher la réunion des séditieux. Les Corps Constitués rentrent à leurs postes respectifs.
L'assemblée du Conseil Général se déclare en permanence pour tout le jour. Il est arrêté :
1° Que le tambour public annoncera dans tous les quartiers que tous les gens de campagne ou étrangers sont invités à partir et à se retirer dans leurs foyers ;
2° Que tous les citoyens trouvés en nombre de plus de quatre seront, s'ils ne se séparent,
regardés comme suspects d'attroupement et mis en état d'arrestation ;
3° que tous les citoyens capables des armes sont tenus de se réunir à leur section au corps de
la Garde Nationale.
Il est décidé aussi qu'il sera formé plusieurs piquets de garde, l'un pour garder l'église et les
objets mis dehors, les autres pour surveiller les voies publiques de la ville et les cabarets.
Le même jour, la femme arrêtée fur remise en liberté, et, après l'interrogatoire des deux hommes, ces derniers furent remis en liberté provisoire.
Le lendemain, 12 Messidor, arrivèrent à Saint-Junien un détachement de la Gendarmerie Nationale de Limoges et un de celle de Rochechouart pour porter secours en cas de nouveaux troubles, mais cette affaire n'eut pas d'autres suites sérieuses."
Ces événements montrent l'attachement de la population rurale à son église. Depuis plusieurs mois les gens réclament la réouverture de l'église mais elle a été vendue comme bien national comme beaucoup d'autres. À première vue il semble que le sieur Teillet s'en servait d'entrepôt pour son bois. Cela nous rappelle de vieux souvenirs de la révolution russe ! La paroisse Saint-Pierre couvrait une partie de la ville mais surtout les villages et hameaux situés sur la rive sud de la Vienne et le long de la route menant à Brigueuil. C'est pourquoi les gens des campagnes se sont sentis lésés par la fermeture et la vente de leur église.
Les registres de 1665 -1706 et 1707-1735, à la mort de l'abbé Ogier, passent en héritage à sa nièce. Par la suite, ces registres sont rendus à l'église puis versés à la mairie en 1792. Comme partout à cette époque, les paroisses se trouvent dépossédées des registres de baptêmes, mariages et sépultures.
Là, ils disparaissent.
Toutefois ils figurent à l'inventaire de 1889. Depuis ils
ont disparu malgré les recherches. Il est à craindre qu'ils n'aient fini dans
une cheminée comme allume-feu !!!
.... Gardons espoir !!